LET'S DANCE
DEAD OR ALIVE
TRASH, FLASH, HAUTE VOLTIGE ET HI-ENERGY, DEAD OR ALIVE SOMBRE DANS LE NEO-DISCO. PETE BURNS VOCALISE ET LA FRANCE S'OBSTINE A NE PAS FRISSONER, ADMIRATEUR DES DEBUTS, EGON KRAGEL CONSTATE.
LA GENERATION DU
MAILLET ET DE L'ENCLUME
La pochette du dernier Dead Or Alive pourrait être une gravure
expressionniste. La dominante nocturne des noirs et gris (E. Munch). La richesse des
étoffes et soieries (G. Klimt). Le dénuements des fonds et l'importance morbide de la
main (E. Schiele).
Pete Burns pose en angle droit, mi-Fédora, mi-Pirandello, le regard figé par la peur. La position foetale de l'acteur qui doute. Ou de l'acteur qui a mal.
Dead Or Alive abandonne ici le trash de ses précédentes fresques "Transformer-Chic" pour une théâtralité plus angoissante. Celle des Grandeurs et des Décadences. Il faut dire que nos "Morts ou Vifs" s'interrogent, confrontés depuis peu à leur statut de gloires naissantes. Une gloire anesthésiante où les distances se teintent d'interrogations quant au sens de la vie, et au pourquoi d'une histoire musicale. Il faut dire également que depuis sa signature avec EPIC Londres, Dead Or Alive semble avoir définitivement sacrifié à la recette "Néo-Disco", musique de danse où les mots perdent leur sens et où seule prédomine la densité métronomique des beats "forts" dominants. (En résumé ce qu'ils ont plus élégamment qualifié de "Boom Boom sophistiqué".)
"J'ai toujours voulu faire une musique superficielle et essentiellement rythmique, avoue alors Pete Burns. Une musique qu'on ne doit pas analyser et sur laquelle il faut tout simplement danser. Je pense qu'on réussit cela assez bien."
"Youthquake" pousse encore plus loin la cruauté de la farce. Neuf titres et neufs déclinaisons d'un même son, d'une même séquence où s'articule la puissance d'une voix qui semble, au fil des ans, standardiser ses étonnants effets. Pete Burns est un chanteur-Kamikaze de talent, ce qu'on devrait appeler plus prosaïquement "Une Grande Voix". Or le créneau ciblé dudit "Youthquake" (discothèques et nuits de Fièvre du Samedi Soir) n'admet pas la démesure. Aussi notre héros dénatté d'aller à l'essentiel et d'arrondir les angles de ces essais "Hi-Energy" et autres Disco-Hybrides infectieux. Côté texte, même nuance. Nous sommes loin des cris hautement sexués de "Sophisticated Boom Boom" (leur premier album). Plus de "Assieds-Toi Dessus" (cf.: "Sit On It") ou "Je Me sens Comme Un Chien En Chaleur" (cf.: "You Make Me Wanna"). L'essentiel du contenu réside en l'intérêt du cri modulable et de l'onomatopée. "Push, Push", "Shake, Shake"... Dead Or Alive exploite alors le langage de cette génération à qui le maillet et l'enclume sont ce que fut la plume à nos dandys d'avant-guerre.
BOOM BOOM
SOPHISTIQUE
YOU SPIN ME ROUND (LIKE A RECORD: D'emblée, le potentiel d'un méga-tube. La couleur d'un méga-tube. Et la puissance irrésistible de ces trains de synthés. Céder à la danse. "You Spin Me Round" a brillamment mobilisé les charts anglais, allemands, voire australiens. L'Europe craque. Le Japon en redemande. Il n'y a que la France qui y résiste encore, vraisemblablement fasciné par l'anorexie stupéfiante de ses propres productions. Tristesse.
I WANNA BE A TOY: Dès l'intro, il faut noter le mix très savant, tout en relief. Le parti pris d'un son plus New Order. Les accords philharmoniques néo-Frankie Goes. Et Pete Burns de crooner: "I wanna be a toy, I can't be treated like no ordinary boy". Efficace.
D.J. HIT THAT BUTTON: Ou "Tout pour la Disco". On ne néglige ni l'intro Music Hall, ni les choristes black, ni les cuivres en cascades. "I just feel like a radio", chante Pete Burns. Le prochain simple vraisemblablement. Classique.
IN TOO DEEP: De loin ma préférence. L'heure plus amère de la désillusion et de l'échec. "I could take a plane and I could fly away... I could steal a car and I could drive away". Beat plus médium. La voix s'infléchit, plus présente. Sur une superbe mélodie un peu Culture Club, un peu Calypso. "In too deep, there's no game in and out of it..." Confessions.
BIG DADDY OF THE RHYTHM: Boom-Boom-Huh-Huh-Boom-Boom-Huh-Huh.
CAKE AND EAT IT: Clin d'oeil "revival psychédélique" avec l'intro acoustique interprété à la flûte de Pan. "I would try anything, I swear I try it here and now", nous confie Pete Burns. Et il est désormais impossible de mettre sa parole en doute. "Cake And Eat It" oscille entre l'Epique orientaliste et le majestueux un peu Cheap des mélodies 70s. "I want to be the hunter captured by the game", souffle encore Pete Burns. Le but semble atteint. Aisance.
LOVER COME BACK TO ME: Paroles réversibles, interchangeables répétées sur l'infatigable séquence de synthés débridés. Comme à l'accoutumée, quelques effets de voix superbes. Comme à l'accoutumée, la densité d'un hit. Apparemment facile.
MY HEART GOES BANG: "Get me to the doctor, my heart goes bang! Bang! Bang! Bang!" Et la musique de faire boom, boom, boom, boom. Et la grosse caisse de faire tchaq, tchaq, tchaq, tchaq. Et l'écho de faire, waw, waw, waw, waw, waw. Le tout sorti d'une superbe mélodie vocale. Hautement commercialisable.
IT'S BEEN A LONG TIME: Intro épinette synthétisée. Percussions. Son clair de piano. Basse harmonisée. Le tout fatalement en boucle. Puis voix Vocoder. Timbrée d'envoûtements sourds et menaçants. Un titre d'autoroute de nuit. Avec tapis volant et Hollywooderies post-növö. Clin d'oeil au passé ("It's Been Hours Now", le cinquième 45t. chez Rough Trade). Fin de face.
FAITES MONTER LA
FIEVRE!
S'il s'agissait d'un examen je les voudrais reçus. Avec mention. De celles qu'on trace au stylo rouge dans le vide de la marge. Paradoxe.
Une mention pour l'humour d'avoir osé ce disque. L'humour d'avoir choisi les producteurs de l'incontournable Divine. Dead Or Alive a l'avantage de ses franchises, de ses mauvais goûts. Et de la facilité de ses rêves. C'est déjà beaucoup. Bien sûr leur passé les réhabilite aux pages de mon grimoire. Et je ne pourrais que plaindre ceux qui les découvrent aujourd'hui. Une mention donc pour tout cela. Pour leur désir de faire monter la fièvre. Et de toucher beaucoup de droits d'auteur. Que ceux qui n'y ont jamais songé me jettent la première pierre.
(Egon Kragel.)